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À l’occasion de la 26e édition du Festival Accès Asie en ligne, j’ai rencontré virtuellement Khosro Berahmandi, directeur artistique du festival. Nous avons discuté de son expérience, à la fois personnelle, artistique et professionnelle, un parcours riche en enseignement et inspirant pour la nouvelle génération d’artistes asiatiques que nous livre Khosro.
Le Festival Accès Asie
Vu à travers Khosro Berahmandi
Vu à travers Khosro Berahmandi
Par Amandine Davre
5 Mai 2021
5 Mai 2021
À l’occasion de la 26e édition du Festival Accès Asie en ligne, j’ai rencontré virtuellement Khosro Berahmandi, directeur artistique du festival. Nous avons discuté de son expérience, à la fois personnelle, artistique et professionnelle, un parcours riche en enseignement et inspirant pour la nouvelle génération d’artistes asiatiques que nous livre Khosro.
De l’exil à l’exutoire : l’art comme thérapie
S’il fallait trouver un point d’origine à la passion de Khosro pour l’art et la peinture, celui-ci se trouverait dans une petite boutique d’antiquités qu’il visitait régulièrement durant sa jeunesse, située non loin de chez lui, à Téhéran. Il aimait s’imprégner de son atmosphère, de l’histoire de chaque objet. C’est au hasard d’une visite à la boutique qu’il a découvert un livre consacré au peintre Salvador Dalí. Les peintures surréalistes de l’artiste espagnol ont été une vraie révélation pour Khosro. Fortes en symbolisme et détachées de toute réalité, elles l’ont touché au plus haut point et ont éveillé en lui un certain sentiment de liberté, de découverte de territoires inconnus et de possibilités immenses. Une libération de soi par l’acte de création.
Le temps est passé, et la révolution et la guerre en Iran ont fait rage. Il fallait fuir pour survivre. Khosro a commencé un long périple, de la Turquie à l’Italie, puis au Canada, dans la ville de London en Ontario.
Cette période de transition, caractérisée par le traumatisme de la guerre, du départ précipité et de sa longue traversée vers l’inconnu, a profondément marqué l’artiste. La route vers la résilience et la guérison s’annonçait tout aussi longue. Il lui fallait trouver un moyen de les exorciser, non pas à travers la parole, qui se voyait limitée due la barrière de la langue, mais par l’acte de création. La peinture est rapidement apparue comme un moyen de communication pour Khosro, un langage universel qui lui permettait d’exprimer et de projeter ses émotions sur la toile. À l’image des œuvres de Dalí, l’art est devenu un médium pour libérer la parole et surmonter le traumatisme – une sorte de thérapie. Pour ce faire, l’artiste a décidé d’entreprendre une longue formation en art, qui l’a mené de l’Université Western Ontario à l’Université Concordia de Montréal, puis à l’Université de Paris VIII où il a obtenu une maîtrise en arts plastiques. Il reviendra à Montréal en 1995 pour s’installer de manière définitive dans la métropole, sa nouvelle terre d’accueil et de cœur.
Au fil des années, sa pratique artistique s’affine et se précise, mais de ses dix premières années de création où il expérimentait la peinture abstraite et expressive, il ne reste plus rien. L’artiste n’a conservé aucune œuvre, souhaitant se diriger vers une nouvelle voie, «une quête personnelle vers une compréhension de soi dans un contexte plutôt cosmique», explique Khosro sur son site. Ses influences se diversifient et touchent à la notion du sacré et de l’universel sous forme de poésie visuelle.
L’artiste se nourrit également de ses expériences quotidiennes pour créer, donnant lieu à des œuvres parfois drôles et touchantes à la fois. Khosro m’a confié s’être brûlé ses légendaires cheveux argentés en se penchant au-dessus d’une de ses œuvres, alors qu’une bougie était allumée. Cet incident sans gravité a donné lieu à l’œuvre Couronne de feu (2020).
Khosro et le Festival Accès Asie : une mission commune
C’est en 1997 que Khosro a un premier contact avec le Festival Accès Asie, anciennement nommé Festival du patrimoine asiatique de Montréal. Il est invité à organiser une exposition collective rassemblant plusieurs peintres montréalais·e·s d'origine asiatique à la Maison de la culture Janine-Sutto lors du festival et deviendra un fidèle bénévole pendant plusieurs années. Créé deux ans plus tôt par Janet Lumb et Bernard Nguyen, le festival a pour mission de sensibiliser le public aux arts, aux cultures et au patrimoine asiatique en célébrant toute leur richesse durant le mois de mai – décrété comme le Mois du patrimoine asiatique au Canada depuis 2001. Entièrement fondé et géré par des bénévoles passionné·e·s et dévoué·e·s, le festival propose une petite programmation étalée sur une semaine avec deux volets consacrés aux arts de la scène et aux arts visuels qui se tiennent tour à tour dans plusieurs lieux montréalais : le Jardin botanique, les Maisons de la culture, et autres. Le Festival Accès Asie n’en est alors qu’à ses débuts, mais rencontre déjà un beau succès auprès du public montréalais autant anglophone que francophone. Le festival deviendra, par ailleurs, le plus ancien du Canada.
Cinq ans après sa création, le festival reçoit une subvention pour le fonctionnement de l’organisme et peut finalement se permettre d’embaucher. Khosro, anciennement travailleur dans le milieu communautaire pour l’accueil des nouveaux·elles arrivant·e·s, en deviendra le directeur général et poursuivra sa mission sociale et inclusive à travers le Festival Accès Asie. C’est en 2012 qu’il sera promu au titre de directeur artistique du festival, suite au départ de Janet Lumb. Sous sa direction, la programmation s’agrandit. Ce n’est pas moins de 1000 artistes de la diaspora asiatique provenant de plus de 20 pays issus du continent asiatique et s’intéressant autant aux pratiques traditionnelles que contemporaines, qui seront présenté·e·s par le festival.
Depuis 2015, Khosro a le sentiment qu’il y a une réelle volonté d’ouverture à la diversité sur la scène culturelle et artistique québécoise. Le Conseil des Arts du Canada, le Conseil des arts de Montréal et le Conseil des arts et des lettres du Québec ont désormais des volets d’inclusion pour les organismes et les artistes issu·e·s des minorités visibles, en situation de handicap ou des communautés autochtones. La contribution du festival dans ce virage inclusif n’est pas à négliger, autant à l’échelle provinciale et nationale qu’internationale. En effet, au fil des années, plusieurs volets du festival se sont ouverts en dehors de Montréal et au-delà du mois de mai, afin de propager sa mission et de favoriser les échanges interculturels, à travers plusieurs projets mis en place.
Quant au public, il n’a pas vraiment changé depuis ses débuts, m'explique Khosro. Le public reste assez mixte, attirant des visiteur·euse·s autant québécois·es dit·e·s « pure laine », comme on dit ici, qu’issu·e·s des communautés asiatiques. C’est seulement depuis la pandémie, avec le virage numérique, que le festival attire désormais un public international.
À l’occasion de son 25e anniversaire, l’année passée, le Festival Accès Asie s’est créé une nouvelle image, avec un logo et un site plus modernes avec des designs graphiques qui tapent à l'œil, et cherche à atteindre un public plus jeune. À travers la création de nouveaux programmes, le festival souhaite ouvrir le dialogue avec les nouvelles générations et soutenir la relève en leur offrant une plateforme pour s’exprimer sur les questions d’identités, d’immigration, d’intégrations et bien d’autres, afin qu’elles puissent continuer sa mission, me confie Khosro. Il est important que tout le travail accompli depuis toutes ces années par le festival, à savoir donner un espace inclusif suffisant à la diversité culturelle, soit transmis aux nouvelles générations – et ce, particulièrement dans le contexte de la multiplication des actes haineux anti-asiatiques perpétrés depuis le début de la pandémie de COVID-19.
Pour sa 26e édition, du 6 au 29 mai 2021, le Festival Accès Asie propose une programmation riche, engagée et diversifiée, s’adressant à un large public : un balado de l’Asiate Imparfaite portant sur l’expérience des Canadien·ne·s d’origines asiatiques, un atelier vidéo de théâtre d’ombres pour enfants, l’exposition Les Nocturnes de l’artiste Azalia Kaviani en collaboration avec le projet pilote en pratiques inclusives HABILITÉS, une soirée thématique pop est asiatique par le Collectif Transpacific Express, et bien d’autres. La programmation complète est à découvrir sur le site du Festival Accès Asie.
À PROPOS DE L’AUTEURE
Depuis plus de dix ans, Amandine Davre a développé son expertise en art asiatique. Sa passion l’a toujours suivie, de son baccalauréat en médiation culturelle et marché de l’art (ICART Paris) à son doctorat en histoire de l’art (Université de Montréal). Elle est à présent chargée de cours au Centre d’études asiatiques (CÉTASE, UdeM), commissaire d’exposition et coordinatrice aux artistes pour Sticky Rice. Amandine est aussi la cofondatrice d’Artasiam, une plateforme en ligne qui a pour objectif de promouvoir et de vendre les œuvres d’artistes issu·e·s des communautés asiatiques au Canada, et qui sera lancée en mai 2021.
Depuis plus de dix ans, Amandine Davre a développé son expertise en art asiatique. Sa passion l’a toujours suivie, de son baccalauréat en médiation culturelle et marché de l’art (ICART Paris) à son doctorat en histoire de l’art (Université de Montréal). Elle est à présent chargée de cours au Centre d’études asiatiques (CÉTASE, UdeM), commissaire d’exposition et coordinatrice aux artistes pour Sticky Rice. Amandine est aussi la cofondatrice d’Artasiam, une plateforme en ligne qui a pour objectif de promouvoir et de vendre les œuvres d’artistes issu·e·s des communautés asiatiques au Canada, et qui sera lancée en mai 2021.
- Seule l’exposition solo Les Nocturnes de l’artiste Azalia Kaviani, en collaboration avec le projet pilote en pratiques inclusives HABILITÉS, se déroulera à la Maison de la culture Janine-Sutto du 6 au 30 mai 2021.
Le Festival Accès Asie
Seen Through the Eyes of Khosro Berahmandi
Written by Amandine Davre
May 5th 2021
In celebration of the 26th online edition of the Festival Accès Asie, I met virtually with Khosro Berahmandi, the festival’s artistic director. We talked about his personal, artistic and professional journey, and how it can inspire new generations of Asian artists.
Khosro Berahmandi, par Samira Majidi ©
If one had to find a point of origin for Khosro’s passion for art and painting, it would be in a small antique shop that he regularly visited during his youth, located not far from his home, in Tehran, Iran. He liked to soak up its atmosphere, the history of each object. It was during a visit to the shop that he discovered a book dedicated to the painter Salvador Dalí. The surrealist paintings of the Spanish artist were a revelation. Strong in symbolism and detached from all reality, they touched him to the highest point and awakened in him a sense of freedom; a curiosity for the unknown and for its immense possibilities.
The revolution and the war in Iran raged on. Khosro then began a long journey that would take him from Turkey to Italy, then Canada, to the City of London, Ontario.
This period of transition - marked by war, his hasty departure, and his long journey into the unknown - left a deep mark on the artist. The road to resilience and healing was an arduous one. To exorcise this trauma, he found his way through the act of creation. Because spoken words were limited by the language barriers, painting emerged as Khosro’s means of communication; a universal language that allowed him to express and project his emotions onto the canvas. Like in Dalí’s works, painting became a medium of self-liberation—a kind of therapy. To accomplish this, the artist decided to undertake a long training in art, which led him to pursue studies at the University of Western Ontario, Concordia University in Montreal, and the University of Paris VIII where he obtained a Master's degree in visual arts. He eventually returned to Montreal in 1995 to settle permanently in the city.
Over the years, his artistic practice refined itself, but no trace remains from his first ten years of experimentation with abstract painting. The artist did not keep any of his work, wishing to move towards a new path, a personal quest for self-understanding through an enactment of cosmic singularity, explains Khosro on his website. His influences diversified and touched upon the notion of the sacred and the universal in the form of visual poetry.
Khosro also draws from his personal trivial experiences to create, resulting in works that are both funny and touching at the same time. Khosro explained that he burned his legendary silver hair over a lit candle while leaning over one of his works. This minor incident gave rise to the work Couronne de feu (crown of fire) (2020).
Khosro Berahmandi, Couronne de feu, 2020
From Exile to Execution : Art as Therapy
If one had to find a point of origin for Khosro’s passion for art and painting, it would be in a small antique shop that he regularly visited during his youth, located not far from his home, in Tehran, Iran. He liked to soak up its atmosphere, the history of each object. It was during a visit to the shop that he discovered a book dedicated to the painter Salvador Dalí. The surrealist paintings of the Spanish artist were a revelation. Strong in symbolism and detached from all reality, they touched him to the highest point and awakened in him a sense of freedom; a curiosity for the unknown and for its immense possibilities.
The revolution and the war in Iran raged on. Khosro then began a long journey that would take him from Turkey to Italy, then Canada, to the City of London, Ontario.
This period of transition - marked by war, his hasty departure, and his long journey into the unknown - left a deep mark on the artist. The road to resilience and healing was an arduous one. To exorcise this trauma, he found his way through the act of creation. Because spoken words were limited by the language barriers, painting emerged as Khosro’s means of communication; a universal language that allowed him to express and project his emotions onto the canvas. Like in Dalí’s works, painting became a medium of self-liberation—a kind of therapy. To accomplish this, the artist decided to undertake a long training in art, which led him to pursue studies at the University of Western Ontario, Concordia University in Montreal, and the University of Paris VIII where he obtained a Master's degree in visual arts. He eventually returned to Montreal in 1995 to settle permanently in the city.
Over the years, his artistic practice refined itself, but no trace remains from his first ten years of experimentation with abstract painting. The artist did not keep any of his work, wishing to move towards a new path, a personal quest for self-understanding through an enactment of cosmic singularity, explains Khosro on his website. His influences diversified and touched upon the notion of the sacred and the universal in the form of visual poetry.
Khosro also draws from his personal trivial experiences to create, resulting in works that are both funny and touching at the same time. Khosro explained that he burned his legendary silver hair over a lit candle while leaning over one of his works. This minor incident gave rise to the work Couronne de feu (crown of fire) (2020).
Khosro and the Festival Accès Asie : A Mission in Common
It was in 1997 that Khosro first came into contact with Festival Accès Asie, formerly known as the Montreal Asian Heritage Festival. He was invited to organize a group exhibition bringing together several local Asian painters at the Maison de la culture Janine-Sutto and became a loyal volunteer for several years. Founded two years prior by Janet Lumb and Bernard Nguyen, the festival’s mission is to bring visibility to Asian arts, cultures and heritage by celebrating their richness during the month of May—decreed as Asian Heritage Month in Canada since 2001. Entirely founded and managed by passionate and dedicated volunteers, the festival offers a small program spread over a week with two components devoted to the performing arts and the visual arts, which are held in turn in several locations: The Botanical Garden, the Maisons de la culture, and other landmarks. The Festival Accès Asie already enjoyed great success with Montreal audiences in its early stages, both with anglophones and francophones. The festival also became the oldest of its kind in Canada.
Five years after its creation, the festival received an operating grant and could finally afford to hire its employees. Khosro, formerly a community worker who welcomed newcomers, became its general director and pursued his social and inclusive mission through the Festival Accès Asie. It was in 2012 that he was promoted to the position of artistic director for the festival, following the departure of Janet Lumb. Under his leadership, the programming expanded. The works of no less than 1,000 diasporic artists from more than 20 countries, interested in both traditional and contemporary practices, have been presented by the festival.
Since 2015, Khosro has felt that there is a genuine desire to welcome diversity in the Quebec cultural and artistic scene. The Canada Council for the Arts, the Conseil des arts de Montréal, and the Conseil des arts et des lettres du Québec now all have inclusion mandates for BIPOC organizations and artists. The festival’s contribution to this inclusive shift should not be overlooked, both provincially, nationally, and internationally. Indeed, over the years, several branches of the festival have popped up outside of Montreal and beyond the month of May, to exert its mission and promote intercultural exchange through several projects.
The audience hasn't really changed since their debut, explains Khosro. The public remains quite mixed, ranging from born-and-bred Franco-Quebecois audiences from across the province, to Asian communities of varied descent. It is only since the pandemic and the digital shift that the festival now attracts an international audience.
Last year, for the 25th anniversary of Festival Accès Asie, the festival rebranded its image, with a new logo and a more modern graphic design, seeking to reach a younger audience. Through the creation of new programs, the festival hopes to open a dialogue with the newer generations by offering them a platform to express themselves on questions of identity, immigration, belonging and many other themes so that they can continue the larger mission, explains Khosro. It is important that the diversity and inclusion work accomplished over the years be passed on to new generations—especially in the context of the wave of anti-Asian hate acts that has risen since the COVID-19 pandemic.
For its 26th edition, from May 6th to 29th, 2021, the Festival Accès Asie offers a rich, engaged and diversified program aimed at a wider audience: Asiate Imparfaite, a podcast highlighting the experiences of Asian-Canadian who challenge stereotypes; the exhibition Les Nocturnes by artist Azalia Kaviani in collaboration with the pilot project in inclusive practices HABILITÉS, a video workshop of shadow theater for children; an Asian pop themed evening hosted by the Transpacific Express Collective, and many other activities. The full program can be found on the Festival Accès Asie website.
ABOUT THE AUTHOR
Throughout her over ten years of studies, from her bachelor’s degree in Cultural Mediation and Art Market (ICART Paris) to her Ph.D. in Art History (Université de Montréal), Amandine Davre has been guided by her passion for Asian art. She is now a lecturer at the Center for Asian Studies (CÉTASE, UdeM), as well as the curator and artist coordinator for Sticky Rice. Amandine is also the co-founder of Artasiam, an online platform that aims to promote and sell the works of artists from the Asian communities which will be launched in May 2021.
Throughout her over ten years of studies, from her bachelor’s degree in Cultural Mediation and Art Market (ICART Paris) to her Ph.D. in Art History (Université de Montréal), Amandine Davre has been guided by her passion for Asian art. She is now a lecturer at the Center for Asian Studies (CÉTASE, UdeM), as well as the curator and artist coordinator for Sticky Rice. Amandine is also the co-founder of Artasiam, an online platform that aims to promote and sell the works of artists from the Asian communities which will be launched in May 2021.
- Only the solo exhibition Les Nocturnes by artist Azalia Kaviani, in collaboration with the pilot project in inclusive practices HABILITÉS, will take place at the Maison de la culture Janine-Sutto from May 6 to 30, 2021.